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Paris au Moyen Âge : “Aménagement des espaces économiques et sociaux à Paris” (1999-2000)

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Séminaire du 26 novembre 1999 : “Construction et reconstruction à Paris au Moyen Âge”

Simone Roux, “Les criées et l’émergence de l’obligation d’expertise par les maçons”

En introduction, Simone Roux a montré comment l’ordonnance royale du 31 janvier 1431 (Ordonnances des rois de France, XIII, p. 174-175) a entraîné la multiplication de rapports d’experts – maçons et charpentiers jurés –, qui décrivent l’état des maisons en péril, énumèrent les réparations urgentes et en donnent parfois une estimation. En effet, jusque-là, contrairement à d’autres villes, les maisons parisiennes ordinaires étaient mal documentées, à cause du laconisme des actes fonciers et de l’absence de devis de construction.

Dans les années 1430, Paris connaît une crise urbaine très profonde (économique et démographique, chômage) dont le délabrement des immeubles qui ne sont plus entretenus par les propriétaires et abandonnés par les locataires est une des conséquences. Les pouvoirs publics vont prendre des mesures pour moderniser et accélérer les procédures de criées organisées par le Privilège aux bourgeois de Paris de Philippe le Bel. Les premières ordonnances (1424-1428) ont fait le jeu des spéculateurs qui ont acquis des maisons pour en revendre les matériaux. L’ordonnance de 1431 remédia à cette situation : celui qui emportera l’enchère devra prouver sa solvabilité (présentation de témoins ou dépôt de garantie), tandis que les autorités s’informeront si le montant de la rente proposée est en rapport avec la valeur de l’immeuble (le rapport est fixé au 1/3), mais il n’aura aucun droit avant l’examen de ces garanties et si, durant cette période, il renonce à son acquisition, il s’engage à laisser les lieux dans l’état où il les a trouvés. Cette enquête préalable a fait produire des rapports qui font apparaître le degré de dégradation du bâti et la disposition des maisons avant la crise.

Paul Benoit, “La fourniture de pierre sur les chantiers de la ville de Paris”

Celui qui s’intéresse à la construction, doit s’interroger sur la nature des matériaux utilisés et leur provenance. Paul Benoît, transparents à l’appui, a présenté ses recherches sur la fourniture de pierre sur les chantiers de la ville qui sont nombreux à la fin du Moyen Âge : construction de quais, réparation des fortifications et pavage des rues. Sources essentielles : les Comptes du domaine de la Ville.

La coupe géologique du sous-sol explique le prix de revient élevé de la pierre extraite des carrières parisiennes qui sont néanmoins toujours exploitées pour le liais, c’est-à-dire la pierre de qualité mais le reste vient de l’extérieur : les carreaux de grès de Fontainebleau arrivent en Grève et sont stockés à l’Hôtel de Ville, ceux de Louveciennes s’arrêtent à l’École Saint-Germain. Si le port de Billy est le « port à la pierre » par excellence, c’est plutôt un lieu d’échange car on décharge la pierre sur les chantiers où on l’utilise. L’étude des comptes ne permet pas de tirer des conclusions sur le prix des carreaux de grés qui sont très variables.

Catherine Guyon, “L’impact du prieuré de Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers sur l’évolution topographique et sociale du quartier”

Catherine Guyon a montré l’évolution du prieuré de Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers à partir de sa fondation en 1229 (il est démoli en 1773) en insistant sur le rôle essentiel qu’il a joué dans la constitution topographique et sociale du quartier du Marais. Les Frères du Val-des-Écoliers ou Écoliers venaient de Troyes et sont autorisés, par leur charte de fondation, à s’installer à l’extérieur de la ville sur un terrain de 3 arpents que leur a cédés un bourgeois de Paris, Cibois. Ils vont peu à peu s’enraciner dans le quartier et y construire des bâtiments. Au xive siècle, les sergents d’armes du roi ont établi leur confrérie dans l’église Sainte-Catherine (1376) et les Écoliers comptent parmi leurs bienfaiteurs les d’Orgemont, les Cassinel, les La Rivière, Charles V entretient de bonnes relations avec eux et assiste à la messe dans leur église.

Dès la fin du xive siècle, ils vont subir des exactions. En 1394, l’égout de Paris suit la rue actuelle de Turenne et empiète sur leur propriété. Pendant l’occupation anglaise, le prieuré a dû aliéner une bonne partie de ses terrains situés à l’Est au duc de Bedford que Charles VII, une fois installé à l’hôtel des Tournelles leur restituera. À la fin du Moyen Âge, la population du quartier change et les artisans s’y installent plus nombreux. Dès le début du xvie, le prieuré va être obligé de lotir une partie de ses terrains pour assainir ses finances.

Agnès Bos, “La reconstruction des églises à Paris après la guerre de cent ans (1436-v.1500)”

Autres chantiers parisiens : les églises. Agnès Bos dont la thèse d’École des Chartes s’intitule « L’architecture religieuse flamboyante à Paris (1436 – v. 1500) » a fait le point sur la question. Nous connaissons l’état de ces églises, particulièrement alarmant, par l’ouvrage de Denifle et Châtelain qui ont publié les suppliques qu’elles ont adressées à Rome pour l’obtention d’indulgences. Aussi voit-on, à partir de 1436, les chantiers se multiplier : les édifices sont reconstruits, mais sont également agrandis. Les fabriques sont les maîtres d’ouvrage pour les églises paroissiales et les comptes qui subsistent témoignent que les marguilliers ont géré ces chantiers avec conscience et avec prudence.

Séminaire du 21 janvier 2000 : “L’eau à Paris, fourniture et évacuation, par Paul Benoit et Marc Viré”

L’approvisionnement de Paris en eau est lié à la croissance démographique et aux problèmes sociaux. Les gens riches veulent de l’eau de qualité en quantité. À cause de la documentation dispersée et indigente, cette question est mal connue : quelques comptes royaux et municipaux, les plans gravés du xvie s. (celui de Truschet et Hoyau est fondamental). Les archéologues, après Belgrand, ne s’y sont plus intéressés.

À signaler un article inachevé : Kleindienst, Thérèse, « La topographie et l’exploitation des ‘Marais de Paris’ du xiie au xviie siècles », dans Paris et Ile-de-France. Mémoires, 1963, p. 7-167.

Le cadre physique

Paris est une ville entourée de collines ; au centre, coulent la Seine et quelques ruisseaux comme la Bièvre, le ruisseau de Ménilmontant, le ru de Montreuil, etc. La coupe géologique fait apparaître une alternance de couches de sable de Fontainebleau (cf. en haut de la colline de Montmartre), de calcaire, et de craie avec des terrains argileux, d’où une succession de nappes aquifères sous Paris : eau des rivières, nappes perchées (Montmartre et Belleville) et nappes profondes.

La maîtrise de l’eau

La maîtrise de l’eau suit l’accroissement urbain. Les marais sont restés des terres marécageuses jusqu’au xiie s., avant d’être systématiquement attaqués : en 1153, Sainte-Opportune donne à cultiver la moitié de ses marais et 25 ans plus tard, avec la collaboration de l’évêque et du roi, tout le marais entre Paris et Montmartre, le Pont-Perrin et Chaillot est mis en valeur et un système hydraulique, aménagé. Au xiiie s., les fossés du Roi apparaissent à la place de l’égout, rue de Ménilmontant et les ponceaux se multiplient. Ils sont placés sous la juridiction du prévôt de Paris. Ils ont pour première fonction de drainer. En 1334, apparaît dans les textes le fossé de Sainte-Opportune à partir duquel se développent de grandes coutures. Au moment de la construction de la muraille de Charles V (fin xive – début xve s.), le roi utilise l’eau comme moyen de défense : un système d’écluses permet de conserver l’eau dans les fossés qui sont gérés comme des étangs (d’après les Comptes du domaine, ils sont empoissonnés et les pêcheries mises à ferme).

L’arrivée de l’eau dans la ville

Les sources sont captées sur la rive droite en haut des collines (Belleville, Pré-Saint-Gervais, Ménilmontant) et il existe deux systèmes d’adduction : aqueducs (Pré-Saint-Gervais) et canalisation en tuyau de céramique (sources de Belleville). Dans ce cas, l’eau est drainée dans une pierrée, dispositif de pierrailles à sec avec une dalle, une galerie collectrice et des regards pour surveiller. Les eaux de Savies ou du prieuré de Saint-Martin-des-Champs sont acheminées par un aqueduc financé par ce dernier associé au Temple qui alimente des fontaines comme celle de Vertbois (il existe aussi une rue des Fontaines du Temple). Les canalisations sont en poterie. En 1740, cet aqueduc a été réuni au système de Belleville (cf. regards de la Lanterne et Saint-Martin, rue des Cascades).

L’eau arrive à des fontaines d’où elle était distribuée par un réseau en plomb (les plombiers et fontainiers de la Ville). Au xvie s., la famille de Foing percevait 40 l. p. comme gages et pour réaliser les travaux nécessaires à l’entretien des canalisations (nettoyage, réparation et réfection des tuyaux).

La Ville contrôle le système de distribution de l’eau : arrivée dans les fontaines où elle est gratuite, une partie est concédée aux établissements religieux (Saint-Lazare dès 1363, Saint-Martin-des-Champs,…) et aux Grands (en 1393, Charles VI donne un « pois » d’eau pour l’hôtel de Bourbon à prendre sur la fontaine des Halles avant que les privilèges royaux ne soient supprimés en 1397). Si le jaugeage est méticuleux dans son principe, le manque d’eau aux fontaines est chronique en allant vers le Centre à cause de problèmes techniques.

Les puits fournissent également de l’eau mais sont très pollués par les fosses d’aisances, les cimetières et les infiltrations à partir des rues non pavées ; on boit aussi l’eau de la Seine qui est peut-être meilleure. Mais, les établissements religieux et les Grands s’arrangent pour avoir de l’eau des aqueducs.

Égouts et évacuation des eaux

Les eaux de pluie, les eaux de ménage, les déchets industriels et les déjections, humaines et animales, sont évacués par la Seine. Saint-Marcel utilise la Bièvre comme égout (cf. les teinturiers). Paris a aussi développé un réseau d’égouts qui se déversent dans la Seine et on discerne une volonté politique de rejeter la pollution vers l’extérieur. Égout ou aigout au xve s., d’eau = canal qui évacue de l’eau. Il existait deux types d’égouts :

  • les égouts couverts, connus à l’occasion de réparations (il y en aurait un sous le Palais de Justice).
  • les égouts à ciel ouvert, comme le Grand Égout dont les herbages étaient affermés et sur lequel étaient branchés des égouts secondaires. L’égout oriental apparaît dans les textes dès 1412 quand les Grands se plaignent de l’odeur. Un nouvel égout maçonné, de 6 toises de large, est creusé en direction du Nord et couvert entre 1415 et 1550. Le manque de pente et l’absence d’arrivée d’eau constituent une difficulté.

Séminaire du 3 mars 2000 : “La voirie parisienne”

Les porteurs d’eau

Pour commencer, des étudiantes de Paul Benoit à Paris I ont présenté les conclusions de leur mémoire sur les porteurs d’eau. D’après le Livre de la taille de 1297, ils sont en majorité localisés sur la rive droite, près de leurs sources d’approvisionnement, la Seine et les fontaines, et au service des personnes aisées. Ils transportaient l’eau dans des seaux suspendus à une bretelle passée sur l’épaule (cf. des gravures tardives).

Simone Roux, “Les formes et le contrôle des empiètements sur la rue à Paris”

De nombreuses activités, au Moyen Âge, débordaient sur la rue et le Traité de police, dans son chapitre sur la voirie, insiste sur la nécessité de les discipliner. Simone Roux a présenté les différents empiétements, qu’ils soient permanents ou temporaires, qui encombraient les rues de la censive de Sainte-Geneviève. C’était le voyer, qu’il soit royal ou seigneurial, qui les autorisait ou les faisait démolir ; son rôle était d’ordonner la vie urbaine. Les conflits de compétence étaient à l’origine de nombreux procès. Les constructions sur la rue, en hauteur et en sous-sol, constituaient des empiétements permanents (il est étonnant qu’il ne soit jamais fait mention du creusement de caves qui aurait pu entraîner l’effondrement de la rue). Les activités commerçantes et industrielles utilisaient aussi la rue, de même que les murs extérieurs des églises : les étals et les fenêtres à vendre sont des constructions maçonnées (cf. les sept étals de la poissonnerie de Petit-Pont). Les étals, pliables et transportables, et les « selles a mettre à l’huis » étaient des encombrements temporaires. Dans tous les cas, une demande d’autorisation d’utiliser la voirie au sol était présentée au voyer qui faisait faire une enquête sur les lieux par ses agents avant de décider de la recevabilité de la demande. Les « gravats et les immondices à mener aux champs » appartenaient à cette catégorie de nuisances : le compte du collège de Beauvais de 1403 au f. 33 v° mentionne 15 « voyes » de gravats à 10 deniers la « voye ».

Paul Benoit, “Le pavage des rues de Paris au xve siècle”

Paul Benoit a ensuite présenté les premiers résultats de son enquête sur le pavage des rues de Paris au xve siècle, à partir des Comptes du Domaine. La Ville achète, chaque année, une quantité importante de grands carreaux de grès (4 par m2) à Fontainebleau et à Louveciennes. Les paveurs fournissaient les matériaux jusqu’en 1446/1447 où apparaissent des marchands spécialisés, originaires des lieux de production : en 1488, Colin Du Pré détient tout le marché parisien. Le paveur juré, qui percevait des gages, examinait les carreaux à leur arrivée, vérifiait les marchés passés avec les paveurs et intervenait dans la programmation des travaux.

La « grande Croisée » (axes Nord/Sud et Est/Ouest) a fait, au xve siècle, l’objet de travaux importants : rues Saint-Denis et Saint-Jacques avec extension au Nord, jusqu’à La Chapelle en 1424 et au Bourget en 1426 (aménagement de la route de la Flandre) ; quelques chantiers rue Saint-Antoine mais peu rue Saint-Honoré ; au centre de Paris, rues de la Vannerie, Saint-Jacques-de-la-Boucherie, de la Saunerie, de la Cossonnerie et de la Petite Truanderie ; dans la Cité, rues du Marché Palu et de la Juiverie. Les abreuvoirs Mâcon et Popin, la place Maubert, les portes, les quais, comme celui des Augustins ont également été pavés Outre le souci d’une meilleure hygiène, ces travaux semblent avoir pour but de rendre Paris plus accessible et d’y faciliter les accès à l’eau. Les surfaces pavées étaient variables, mais elles étaient rarement inférieures à 50 toises. Malgré la baisse des prix, les dépenses de pavage pesaient lourd dans le budget de la ville (plus du tiers, en 1488).

Katia Weidenfeld, “Le droit de la voirie à Paris, à la fin du Moyen Âge, est-il un droit public ?”

Katia Weidenfeld a tenté, comme juriste, de répondre à la question : le droit de la voirie à Paris, à la fin du Moyen Âge, est-il un droit public ? Urbanisme et construction du droit public se développent alors de façon concomitante. Le pavage et l’entretien des rues, les fosses à immondices à la disposition des habitants, les permis de construire et d’alignements constituent le domaine communautaire et il faut construire un droit public pour le régir. De nombreuses autorités interviennent : les autorités seigneuriales, comme garantes du maintien d’un ordre de la rue, font appliquer le droit de voirie (mais ne font pas de règlements généraux) ; les autorités municipales et royales. Paris est la tête et le cœur du royaume et il y a un lien entre l’honneur du roi et le bien et décoration de la ville capitale, d’où des mesures de police (ordonnances sur le balayage et le pavage des rues) d’urbanisme (détournement en 1412 de l’égout du Pont Perrin). Le roi a un rôle important dans la direction des autorités parisiennes : prévôté de Paris et prévôté des marchands. La prévôté de Paris a parfois l’initiative dans la définition de règles nouvelles (l’ordonnance du prévôt de Paris de 1349 a précédé celle de Jean le Bon de 1351) et dans la prise de décision de certaines mesures (en 1374, elle a décidé que le nettoiement de la place Maubert serait financé par une taxe levée sur les marchands). Le pouvoir du prévôt des marchands est moindre. Les grands corps de l’État, Chambre des Comptes, Trésoriers de France et Parlement de Paris interviennent aussi dans la définition de la norme. Les établissements ecclésiastiques, enfin, ont fait paver et nettoyer devant leur porte. Il y a donc un souci commun d’efficacité dans l’effort de salubrité.

Au niveau du contentieux, pour élaborer des règles de droit, la voirie est définie par son affectation à la circulation. D’autres espaces publics (cloîtres, parvis et cimetières) sont des espaces ambigus. Néanmoins, l’imprescriptibilité de ces espaces est nettement affirmée (la fermeture de la rue Percée, à la fin du Moyen Âge, empêchait le va-et-vient). Pour conclure, le statut particulier du domaine communautaire semble s’imposer.

Séminaire du 21 avril 2000 : “Les aménagements industriels à Paris”

Ont été uniquement retenus les moulins – à Paris et à Beauvais – et les poulies alors que les sources, censiers, ensaisinements et rôles d’impôts, mentionnent d’autres aménagements industriels comme les brasseries des cervoisiers et les forges des fèvres et permettent d’aborder l’organisation spatiale du travail.

Karine Berthier, “Les moulins à eau à Paris : moulins-bateaux et moulins pendants”

Malgré le nombre important des moulins à vent, Karine Berthier a limité son exposé aux moulins à eau –moulins-bateaux et moulins pendants– installés sur la Seine. Les premiers, représentés sur les miniatures de la Vie de saint Denis (1317), sont des bateaux équipés d’une roue mue par le courant, actionnant des meules placées à l’intérieur et accrochés par des cordes aux arches du Grand Pont. Après sa chute, en 1296, ils sont remplacés par des moulins-pendants, plus rentables et plus résistants aux intempéries. Ce sont des bâtiments fixés soit en avant des arches des ponts et reposant sur une armature de pieux fichés dans le lit de la Seine, soit directement installés dans le cours du fleuve et reliés à la berge par une passerelle. À la fin du xve s., les moulins-bateaux réapparaissent sur la Seine et sur la Marne. Ils sont concentrés sur le bras Nord de la Seine : 60 environ sur 1300 m, entre les îles de Notre-Dame et de la Cité. Les arches, en pierre, doivent avoir 3 toises de large pour ne pas gêner la navigation et être munies d’anneaux de fer pour attacher les bateaux ; entre les pieux, il y a une palissade pour protéger la roue. D’après son compte de 1299, l’abbaye de Saint-Magloire a dépensé 268 l. t. pour l’entretien de son moulin du Pont aux Meuniers. Les établissements religieux possèdent la plupart des moulins qu’ils baillent à des exploitants pour une durée variant de 3 à 9 ans. Dans la seconde moitié du xive s., les fermiers ne sont plus exclusivement des meuniers, des boulangers ou des charpentiers et en 1433, un des moulins des Chambres Maître Hugues appartient à des tanneurs qui le louent à un meunier. Avant le xvie s, il n’y a que des moulins à blé.

Philippe Bourges, “Les installations hydrauliques à Beauvais”

À Beauvais, d’après Philippe Bourges, conjoncture économique et nombre d’installations hydrauliques évoluent parallèlement. En 1015, l’évêque-comte de Beauvais a le monopole sur le sol et les rivières de la ville et de sa banlieue. Le premier moulin à tan est mentionné en 1150, alors que 10 moulins à blé étaient recensés jusque-là. De 1162 à 1175, l’évêque Barthélemy Montcornet abandonne une part de ses droits sur l’eau et autorise les installations artisanales, comme les 3 moulins à bras pour les foulons, en 1173, en vertu d’un accord avec l’abbaye Saint-Quentin. À partir de la seconde moitié du xiie s., l’activité des moulins s’amplifie. En 1175, un moulin à draps est installé conjointement par le chapitre cathédral et une autre abbaye de la ville. À la fin du siècle, on dénombre 4 moulins à foulons, 3 à tan et 1 à couteaux, distincts des moulins épiscopaux. À partir du xiiie s., les moulins artisanaux, pour des raisons d’hygiène, sont repoussés hors de la ville. Dans la deuxième moitié du xive, il n’y a plus qu’une dizaine de moulins à blé et les installations éloignées de la ville sont détruites à cause de la guerre : en 1417, il ne reste que 4 moulins artisanaux et 9 à blé. Mais la reprise est précoce à Beauvais où, vers 1420, l’artisanat prend un nouveau départ. De plus, au xive s., les anciens moulins à blé sont remplacés par des moulins taillants, utilisés, en temps de guerre, pour l’armement et, en temps de paix, pour l’affûtage et la fabrication d’outils. Des moulins à huile (de noix) font leur apparition (4 en 1450) et au début du xvie s., les moulins artisanaux (12) sont plus nombreux que ceux à blé qui sont devenus banaux. Une élite artisanale qui investit et qui occupe les fonctions municipales s’est peu à peu imposée.

Caroline Bourlet : les Poulies Neuves du Temple : un cas de lotissement à caractère industriel à la fin du xiiie siècle ?

Caroline Bourlet, enfin, a présenté les poulies neuves du Temple. Paris, aux xive et xve s., est un centre de production et de consommation des draps, qu’ils soient ou non fabriqués sur place. Le cycle de cette industrie – tissage, foulage, apprêt et teinture – est complet et chaque catégorie d’artisans est indépendante l’une de l’autre. Les drapiers, concentrés dans la Cité, aux Halles et vers Saint-Jacques-de-la-Boucherie sont associés aux grandes familles parisiennes qui occupent des fonctions municipales ; les tisserands, plus modestes, habitent rue Vieille-du-Temple et exercent leur domination sur les foulons et les teinturiers auxquels ils donnent du travail. La notoriété de ceux qui vivent de la production parisienne atteint celle des drapiers.

Les poulies, lices ou rames permettaient de tendre le drap pour lui redonner sa longueur après lavage, foulage ou teinture (environ 2 m, d’après les statuts) et consistaient en un assemblage de longues perches. La circulation se faisait par des allées. Elles ont marqué la topographie car on recense une rue des Poulies à Saint-Germain-l’Auxerrois et au monceau Saint-Gervais, la rue des Poulies-Saint-Paul qui prolonge celle de Jouy et même une rue Richart des Poulies. Vers 1350, elles se trouvent rues de la Mortellerie, des Écouffes, des Rosiers et du Petit Marivaux. Celles de la porte Barbette sont attestées entre 1300 et 1376 et disparaissent au moment de la construction de l’hôtel ; on en compte 35 de 1350 à 1376 dont 19 installées en 1300/1304 par Étienne le Fèvre. Elles sont enfermées dans un enclos dont la porte ouvre sur la rue Barbette et qui comprend une place à poulies, une loge pour le matériel, une maison ou masure, des allées ou ruelles et un jardin. Elles sont exploitées par des associés qui, à la fin de la période, ont une sorte de monopole. Peut-on parler de lotissement, le cens de 2 s. 6 d. pour les poulies et de 23 s pour les maisons qui en dépendent étant uniforme ?

 


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