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Paris au Moyen Âge : “Physionomies et inter-relations des groupes sociaux à Paris” (2000-2001)

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Séminaire du 8 décembre 2000 : “Les groupes sociaux à Paris – I”

Les thèmes de recherche des uns et des autres invitaient à ouvrir le champs du social : en effet, au cours de nos recherches sur Paris, et même lorsque nous n’avons pas fait le choix de la prosopographie, nous rencontrons et étudions des groupes d’hommes et/ou de femmes liées par l’appartenance à un même univers, par un même mode de vie, par la similarité de leurs horizons, par l’exercice d’une même activité, par une même expertise, etc.

Prendre toute la mesure de ces groupes sociaux dans la ville nécessite de les replacer dans le contexte urbain, de peser la réalité des relations entre les groupes, d’être en mesure de comparer modes et niveaux de vie, culture, d’évaluer l’impact des stratégies de domination sociale, etc. En raison d’une réelle spécialisation des recherches de chacun, cette démarche n’est pas toujours possible de manière individuelle.

En revanche dans un premier temps, mener en commun une réflexion d’ensemble sur la société parisienne à partir des éléments apportés par chacun paraît un moyen raisonnable de conduire vers une meilleure appréhension globale de la société parisienne et notamment de peser plus justement la réalité des relations entre les groupes et de dégager, pour la suite, des axes plus théoriques pour notre réflexion.

Au cours des quatre séances de cette année, il a été demandé à chaque intervenant de présenter un groupe social, d’en mettre en évidence des critères de cohérence, de tenter de préciser quelles relations il entretient avec la ville en général (origines familiales, biens, etc.) et d’autres groupes sociaux en particulier (solidarités, dépendances, réseaux d’affaires, etc…).

Caroline Bourlet, “Les moyens à Paris au Moyen Âge”

Caroline Bourlet a lancé un débat passionnant sur « Les moyens à Paris au Moyen Âge ». Ce terme est utilisé à l’époque : le popolo medio se situe entre le popolo grosso qui a la haute main sur l’échevinage et l’économie et le commun peuple. Néanmoins les contours de ce groupe sont difficiles à préciser. Les sources fiscales – les rôles de la taille de 1292 à 1313 – ne sont pas suffisants pour affirmer la pertinence du terme de « Moyen » et la légitimité de cette catégorie sociale urbaine en raison de leur manque d’homogénéité : suivant les années sont représentées de 14000 à 6000 personnes ; en 1296, les menus n’y figurent pas et en 1298, il manque les gros des paroisses de la rive gauche… En établissant une échelle des fortunes à partir des sommes payées, il apparaît que la limite de 4 l. a une signification : au-dessus, se situent les grands marchands et bourgeois parisiens et très au dessous les menus qui appartiennent aux métiers les moins qualifiés, mais la catégorie fiscale entre les deux est très hétérogène.

Les moralistes n’ont dressé que quelques portraits de marchands et de pauvres pour le monde urbain. Jean Le Fèvre évoque une plus grande complexité sociale et Gilles le Muisi fait état d’une organisation tripartite avec des Grands, des Moyens et des Menus.

Les historiens, Pierre Desportes ou Alain Saint-Denis, ont décelé, à Reims et à Laon, des classes sociales intermédiaires et Thierry Dutour, pour Dijon, a assimilé les « Moyens » au peuple, en distinguant le bon du menu peuple.

Pour définir ce groupe, il faut déterminer son importance économique et le monde du travail, en général, est mal connu. Il s’avère donc difficile de mettre des bornes définitives à chaque catégorie et de placer tout le monde le long d’une échelle des fortunes.

Jean-Pierre Ollivier, Les agents d’administration du prieuré de Saint-Martin-des-Champs”

M. Ollivier a présenté « Les agents d’administration du prieuré de Saint-Martin-des-Champs » dont les origines et le rôle sont difficiles à préciser. Les possessions et les domaines des petits prieurés ruraux furent d’abord gérés par des moines avant que n’apparaissent, à côté des familiers du prieuré, des serfs dont certains s’occupaient de tâches agricoles, des jardins et des péages, tandis que d’autres, les maires, étaient placés à des postes clefs, devenant de véritables ministériaux (cf. à Noisy-le-Grand de 1079 à 1175). Ils constituent une élite au sein du groupe villageois et par leur intermédiaire, le prieuré impose sa volonté aux communautés villageoises dont il exige obéissance et argent (prélèvement des taxes économiques). Vers 1150, la fonction est partout viagère ou même héréditaire puisque le maire a pris l’habitude de s’associer ses frères et ses fils, mais cette emprise de la parentèle apparaît comme un danger et, à partir de 1150, tous les ministériaux sont évincés des seigneuries (le maire de Noisy-Le-Grand disparaît vers 1164).

Après 1150, le maire devient un officier rural qui agit au nom de son maître et le représente : c’est un intendant domanial et un administrateur du domaine seigneurial (cf. une charte de 1281). Il est en partie payé par les paysans et à partir du xiiie siècle, il s’entoure de sergents. Il va devenir un paysan aisé, vivant et agissant comme un seigneur. Si la mairie demeure, elle est de plus en plus souvent tenue en fief. Ensuite les maires viennent de l’extérieur percevoir les revenus au nom du seigneur car les droits seigneuriaux augmentent considérablement. À la fin du xve siècle, ils sont nommés par le prieuré de Saint-Martin-des-Champs dont les archives conservent, pour certains domaines, des listes à partir de 1280.

Yvonne-Hélène Le Maresquier, “Les « petits officiers » de l’Hôtel de Ville”

D’après Yvonne-Hélène Le Maresquier, si les « petits officiers » de l’Hôtel de Ville exercent des fonctions variées en raison de la diversité des objets de leur travail : vendeurs, courtiers, déchargeurs et jaugeurs de vins, mesureurs de grains et de sel, compteurs et mouleurs de bûches… ils forment, malgré des disparités de fortune perceptibles, une catégorie homogène. Ils exercent leur activité quotidienne dans la Maison aux Piliers, en place ou sur les ports de Grève. Ils sont nommés par le prévôt des marchands et les échevins auxquels ils prêtent serment de leur obéir en tout. Si leur rôle est d’assister les marchands forains au cours de leurs transactions à Paris, ils permettent surtout aux autorités municipales de contrôler les marchés parisiens pour préserver leur monopole sur le commerce de Seine et assurer à la ville un approvisionnement abondant et de qualité, au meilleur prix. Ils se recrutent, enfin, dans le même milieu, celui des marchands et des artisans modestes.

Une question n’est pas résolue, c’est celle de l’attrait de ces offices, alors que leurs titulaires sont soumis à de nombreuses contraintes, que leurs rémunérations sont faibles et leurs possibilités de carrière nulles. Peut-être leur donnaient-ils une certaine notoriété et la possibilité de faire profiter de bonnes affaires, sur les ports et marchés, les membres de leurs familles ou leurs amis restés dans la marchandise.

Débats

L’échange de vue qui a suivi a été riche et animé et la notion de « Moyens » a excité les esprits. Si la cohérence fiscale, le regard des autres, la détection d’une certaine pauvreté laborieuse sont à scruter minutieusement, il faut retenir que l’honorabilité est fondamentale dans la définition de cette catégorie mais qu’elle ne se mesure pas. C’est à partir d’une étude des stratégies matrimoniales, de l’organisation du travail et de la fortune qu’il faut la cerner.

De plus, il ne faut pas oublier que la pauvreté se situe dans un rapport de force et non dans un rapport de richesse.

Séminaire du 2 février 2001 : “Les groupes sociaux à Paris – II”

Michael Connally, “Premiers éléments pour une prosopographie des Haudriettes”

Michael Connally a fait le lien avec le séminaire précédent en situant l’hôpital des Haudriettes parmi les « Moyens », entre les élites et les pauvres, à cause de leur niveau de fortune et de leur origine sociale. Cette communauté, fondée au début du xive s. par le drapier Étienne Haudry accueillait des veuves qui étaient soumises à une règle (elles ne pouvaient pas quitter la communauté) et y apportaient leurs biens.

L’étude socio-économique des « sœurs » met en évidence leur appartenance au milieu artisanal et leurs surnoms indiquent qu’elles exerçaient des métiers peu rémunérés, peu qualifiés et mal encadrés (chambrières, chapelières de fleurs,…). Cohabitaient avec elles des bienfaitrices (Marie, la deuxième femme du fondateur ou la veuve de Geoffroy de La Mare) qui, par attachement à l’hôpital, s’y retiraient en gardant leur liberté : elles y disposaient d’une chambre et étaient servies par les sœurs. Elles conservaient l’usufruit des biens qu’elles cédaient.

L’exemple des Haudriettes permet aussi d’approfondir la connaissance de la pauvreté qui touche les gens qui travaillent. Cette institution charitable évite à veuves, privées du soutien de leur mari qui leur avait procuré une aisance modeste et empêchées par l’âge de travailler, de sombrer dans le désespoir de l’indigence.

Boris Bove, “Les familles échevinales parisiennes (1260-1350)”

Boris Bove, dans sa thèse Dominer la ville. Prévôts des marchands et échevins parisiens (1260-1350), a considéré la bourgeoisie parisienne par le biais des familles échevinales. Ce groupe compte plusieurs centaines d’individus, répartis entre 47 familles et qui ont exercé une fonction municipale : prévôt des marchands, échevins et clercs de la ville. L’hypothèse de départ était de définir la place de ces individus dans la société à partir de différents critères : dimension économique, pratiques sociales et place qu’ils revendiquent ou qu’on leur laisse dans la hiérarchie de l’époque.

Les échevins se disent tous bourgeois de Paris, mais qu’est-ce qu’un bourgeois de Paris au xive s. ? Il appartient à la communauté des gens de Paris qui, juridiquement, jouit de droits et de privilèges ; il paie la taille, mais tous les contribuables ne sont pas dits bourgeois. Des particularismes secondaires ont été retenus : le titre de sire, distinction honorifique personnelle, liée au prestige personnel ; l’appartenance à certains métiers ou offices ; la titulature échevinale. Appartiennent-ils à des groupes particuliers et en forment-ils un en fonction d’un mode de vie et d’une culture commune, de revenus similaires, de leur lieu de résidence et de leur type d’habitation ou de leur participation à des confréries (N.-D. aux Prêtres et aux bourgeois, Saint-Jacques aux pèlerins). Les alliances matrimoniales sont un critère déterminant car elles définissent leurs contacts avec l’extérieur. Au total le groupe échevinal forme un milieu assez étroit, uni par une culture commune qui l’isole du reste de la société.

Leur relation avec la noblesse est ambiguë. Leur culture semble nobiliaire (ils participent à des joutes et portent des armoiries), mais ils affirment un profond dégoût pour la violence et pour les armes. Si l’anoblissement est pour le roi le moyen de récompenser un serviteur fidèle, on remarque que les fils d’anoblis continuent à épouser des filles de bourgeois et qu’ils n’embrassent jamais la carrière des armes. S’ils donnent beaucoup d’enfants à l’Église, ceux-ci n’occupent que des bénéfices modestes et ils montrent un désintérêt complet pour la culture universitaire et savante.

Anne Hubert, “Les chanoines de Saint-Germain-l’Auxerrois (1382-1510)”

Troisième groupe, celui des chanoines de Saint-Germain-l’Auxerrois, reçus en chapitre, de 1382 à 1510, qui constituent l’objet de la thèse d’Anne Hubert.

Sources : les registres capitulaires, les chartriers du chapitre et les obituaires, complétés par les suppliques et les lettres des papes. Ce n’est qu’une partie du monde ecclésiastique qui gravite autour de Saint-Germain-l’Auxerrois. et qui comprend la « communauté » (vicaire, chapelains, enfants de chœur,…), le clergé paroissial et les ecclésiastiques dont les bénéfices sont à la collation du chapitre (St-Eustache, St-Sauveur, Sainte-Opportune et Saint-Honoré). Quelques conclusions :

Il n’y pas de chanoine type à Saint-Germain-l’Auxerrois mais différents profils de chanoine : le canonicat est l’aboutissement d’une carrière bénéficiale modeste ou complète une belle carrière : ces chanoines résident.

C’est une étape sur un parcours ascendant qui peut aboutir à l’épiscopat ou un bénéfice parmi beaucoup d’autres. Ce sont des intellectuels (77 % sont des gradués dont 18 % de docteurs) et leur réseau de relations est important. Bien que l’origine sociale des premiers soit modeste et que les derniers se recrutent dans le milieu des évêques ou des parlementaires, l’ascension sociale, au cloître, est possible.

  • Les rapports hiérarchiques sont très forts et très nets. Il existe des rapports d’autorité et de dignité entre les chanoines et la communauté, le curé et les chapelains. Le monde des chapelains est varié, mais différent de celui des chanoines et certains deviendront chanoines. Il n’y a pas de frontières infranchissables.
  • Malgré les individualités, la communauté de Saint-Germain-l’Auxerrois est reconnue comme une élite sociale. Elle habite au cloître dans des maisons cossues et jouit d’une bibliothèque privée ; elle délibère en latin. Si elle entretient des relations avec les paroissiens, c’est avec les élites et les « Moyens » (artisans et commerçants), ces derniers tendant à disparaître alors qu’on avance dans le temps. À la fin du xve s, ce groupe se ferme et devient de plus en plus Parisien et cohérent.

Séminaire du 2 mars 2001, “Les groupes sociaux à Paris – III”

Christine Jehanno, “Le personnel religieux de l’Hôtel-Dieu est-il représentatif de la population parisienne ?”

L’exposé de Christine Jehanno a tenté de répondre à la question : « Le personnel religieux de l’Hôtel-Dieu est-il représentatif de la population parisienne ? », à partir des 300 notices de religieuses et des 80 de religieux qu’elle a établies pour la période 1329-1536. D’après le règlement du xiie s. et celui de 1536, ce personnel était composé de 30 frères lais, 4 prêtres, 4 clercs, 25 sœurs (40 dès 1293) plus 40 « filles blanches », mais l’effectif n’était pas toujours au complet (renseignements tirés de la comptabilité). Il était réparti en 2 groupes distincts : les frères, sous l’autorité du maître, se consacraient au service divin et à la gestion de l’établissement ; les sœurs, sous celle de la prieuse, étaient au service des malades ; cette communauté n’avait pas d’homogénéité.

Entrés comme simples clercs à l’Hôtel-Dieu, les frères prononcent leurs vœux après le noviciat. Les sœurs servent plusieurs années comme « filles blanches », avant d’être admises en année de probation, au terme de laquelle elles sont autorisées à prononcer leurs vœux. Les uns et les autres y effectuent toute leur carrière (rares départs momentanés ou pour mesures disciplinaires), ce qui sera différent à l’époque moderne (moment d’une carrière ecclésiastique). Les filles n’y ont pas la perspective d’une brillante carrière, car les travaux difficiles demandent des aptitudes physiques et des qualités morales : elles y finissent leurs jours après de longues années de service.

Les documents ne mentionnent que rarement l’origine géographique, mais on y décèle une majorité de Parisiens et d’habitants des localités voisines ainsi que des diocèses de Rouen et de Picardie. Les origines sociales, aussi, sont floues : les sœurs se recrutent dans les milieux modestes ou chez les artisans moyens, à cause du manque d’avenir et de la dureté des tâches ; les frères sont issus de milieux moins populaires car ils font des études (cf. la formation des enfants de chœur).

Le personnel religieux dispose de biens et de revenus en propre, malgré les interdictions répétées ; il achète des terres et des rentes, fait des dons et même, en 1476, il a prêté 176 l. à l’hôpital.

Plusieurs questions restent sans réponse : pourquoi entre-t-on à l’Hôtel-Dieu ou lui fait-on don d’une fille ? Par pure charité ou en raison de liens avec l’établissement ? Ce qui serait le cas des filles de donateurs et de fournisseurs qui font le lien entre la population parisienne et l’hôpital.

Nathalie Gorochov, “Les universitaires dans la ville au xiiie s.”

Nathalie Gorochov a ensuite présenté le milieu des universitaires au xiiie s. : leur nombre, les lieux qu’ils fréquentent et les liens qu’ils entretiennent avec la population.

Sources : le cartulaire de l’université de Paris, les sermons et les sources historiographiques, des fragments de comptes et des archives ecclésiastiques.

D’origine étrangère, pour la plupart, leur nombre a varié de 10 000 à 15 000 avant de baisser aux xive et xve s. (400 nouveaux licenciés par an à la faculté des Arts, d’après les lettres envoyées au pape, en 1280). John Baldwin évalue cette population à 10 % de celle de la ville qui comptait alors de 60 000 à 80 000 habitants et William Courtenay recense 2000 noms avec l’indication de leur logement, d’après un document comptable de 1329. Ils habitent rive gauche, à l’intérieur de la muraille et se regroupent par origine géographique dans des maisons qu’ils louent.

C’est le Parlement de Paris qui assure la défense de leurs privilèges aux xive et xve s. Les maîtres ont droit de justice sur leurs élèves ; ils fixent avec leurs étudiants le montant des loyers de leurs logements, sont à l’abri de la justice séculière et jouissent de privilèges fiscaux (voir Serge Lusignan, « Vérité garde le Roy ». La construction d’une identité universitaire en France (xiiiexve s.), Paris, Publications de la Sorbonne, 1999).

Ils n’ont pas entretenu que des rapports conflictuels avec les Parisiens, bien que la répétition des interdits disciplinaires dans les statuts de la 2e moitié du xivs. soit un indice de ces conflits, ce que confirment les critiques moralisantes des prédicateurs comme Gautier de Château-Thierry ou Jean de Monthléry. Ils ont activement participé à la prédication dans les églises de la rive gauche et celles de la rive droite (cf. le témoignage de Raoul de Châteauroux au xiiie s. et les travaux de Nicole Bériou). On ne sait pas s’ils ont participé à l’instruction des Parisiens (il est nécessaire de distinguer l’enseignement supérieur de celui de la faculté des Arts qui ne forme que des bacheliers) et quels étaient leurs rapports avec les métiers, fournisseurs de l’Université, comme les parcheminiers ou les libraires.

Thierry Kouamé,  “Les boursiers du collège de Dormans-Beauvais”

Les boursiers du collège de Dormans-Beauvais qui a été fondé par Jean de Dormans, le 8 mai 1370, pour 24 écoliers de la famille des fondateurs, du village de Dormans et du diocèse de Soissons, ont fait l’objet de l’exposé de Thierry Kouamé. À la mort des fondateurs, le Parlement s’est arrogé la collation des bourses et cette tutelle a fortement pesé sur la carrière des étudiants. De 1370 à 1458, on dénombre 322 boursiers stricto sensu : 254 écoliers, 4 écoliers surnuméraires, 1 écolier de la fondation Richard, plus 2 sous-maîtres surnuméraires, 15 procureurs, 6 maîtres du collège et 28 chapelains.

Malgré le poids des lacunes documentaires, il est possible d’esquisser le profil des boursiers. S’ils sont en majorité originaires du diocèse de Soissons (58), 15 viennent de celui de Reims, de 14 de Meaux, 14 de Paris, 3 de Châlons-sur-Marne, de 2 de Laon, 1 de Troyes et de Thérouanne et même 1 de l’actuelle Slovénie. L’origine exotique, par rapport au domaine de recrutement statutaire, est le fait des chapelains qui ne sont pas soumis aux limitations des statuts et bénéficient de relations.

Les grades obtenus se répartissent à égalité entre les facultés des Arts (11) et celles de Droit (11 dont 2 licenciés in utroque) et de Théologie. Le collège a même accueilli, pendant 6 ans, un docteur en médecine, Thiébaud d’Attigny, médecin personnel de Jean de Dormans.

Les carrières professionnelles sont variées : 1 régent en médecine et 1 en théologie, 5 recteurs et 6 Navarristes ; 3 avocats, 4 conseillers et 2 premiers présidents (Robert Mauger) au Parlement ainsi que le greffier Nicolas de Baye ; 3 notaires et secrétaires du roi et 1 maître des requêtes de l’Hôtel. Il existe aussi une forte corrélation entre les grades universitaires des boursiers et leur carrière au sein du collège ou à l’extérieur : les juristes se destinent à la carrière parlementaire ; Les artiens et les théologiens sont chapelains et officiers du collège et s’orientent plutôt vers une carrière universitaire.

Les relations de parenté mettent en évidence trois sortes de réseaux : 22 boursiers sont apparentés à la famille de Dormans, 14, à des familles parlementaires qui, depuis 1405, assurent le recrutement du collège ; enfin 83 boursiers ont un parent boursier ou employé par le collège, dont 20 frères.

Ce « recrutement interne » a favorisé le repli du milieu Dormans-Beauvais sur lui-même et est, sans doute, à l’origine de ses difficultés au xvs. : durant la période anglo-bourguignonne, 20 écoliers ont disparu, déguerpis ou passés par les armes et, en 1461, le collège n’accueille plus que 27 boursiers. Les chapelains et les officiers du collège ont été moins affectés et il s’est établi un passage entre les deux, des officiers finissant leur carrière à la chapelle. Le collège a aussi accueilli des hôtes payants qui ont accumulé les arrérages, mais ne suivaient pas les cours ainsi que des étrangers, comme auditeurs des cours (les « Martinets », dès 1420).

Séminaire du 27 avril 2001, “Les groupes sociaux à Paris – IV”

Autre composante de la société parisienne : les nombreux serviteurs du pouvoir royal dont 3 groupes très différents ont fait l’objet d’un exposé : les clercs de la Basoche, les notaires du roi sous Philippe le Bel et les gens des Comptes. Leur statut de clerc, leur origine provinciale et leur formation les rapprochent des universitaires.

Marie Bouhaïk-Gironès, “Les clercs de la Basoche”

Marie Bouhaïk-Gironès qui prépare une thèse sur le théâtre comique à la fin du Moyen Âge a présenté « Les clercs de la Basoche », c’est à dire les clercs du Palais, travaillant sous la tutelle d’un avocat, d’un procureur ou d’un conseiller. Bien que les statuts de leur communauté de 1586, réformés et complétés, fassent référence à la reconnaissance de leur association par Philippe le Bel en 1302, leur origine ne semble pas antérieure au milieu du xvs. : le mot Basoche apparaît pour la 1re fois en 1442 et en avril 1474 dans un arrêt du Parlement. Ils sont célibataires et versent, à titre de bienvenue, une année de salaire à leur trésorier. Ils sont autorisés à se constituer en tribunal et ne sont soumis ni à la justice laïque, ni à la justice ecclésiastique. Ils exercent leur activité à 3 moments de l’année, avant les Rois, en mai et en juillet, et ils participent aux fêtes urbaines.

L’origine sociale des « Basochiens » est mal connue. C’est un groupe hétérogène mais cohérent : anciens étudiants en droit, peut-être, encore en formation, ils participent à l’organisation commune à tous les clercs attachés à la justice. Les villes de province où siège un Parlement ont des Basoches. Les rapports avec le roi et l’université sont souvent conflictuels.

Qu’est-ce qu’un « basochien », d’après les auteurs et les œuvres ? Bien que le mot basoche n’apparaisse jamais dans ses textes, Guillaume Coquillard, né vers 1450 dans la bourgeoisie rémoise, appartient à ce milieu : avocat au Châtelet en 1481, il développe, dans son œuvre écrite avant 1490, une thématique judiciaire ; il a écrit une farce pour les chanoines de Reims, en conflit avec la Basoche, et a obtenu une prébende en 1482.

Autres auteurs : André de La Vigne, Martial d’Auvergne, Henri Baude (enfermé au Châtelet, en 1486, pour une farce qui dénonçait le fonctionnement de la justice). Faute de sources, il est difficile de reconstituer une image rigoureuse de ce milieu, en raison de sa marginalité et de sa spécificité.

Élisabeth Lalou, “Les notaires du Roi sous Philippe le Bel, un milieu social parisien ?”

Élisabeth Lalou a organisé son exposé autour de la question : « Peut-on parler, pour les notaires du Roi sous Philippe le Bel, de milieu social parisien ? » La réflexion porte sur 40 personnes dont 15 à 20 notaires en fonction en même temps. Ils appartiennent à la chancellerie, à l’hôtel du roi et au Palais. Ils se spécialisent peu à peu et exercent leurs fonctions auprès du chancelier, du Roi ou du Parlement (8, à la fin du règne) et des gens des Comptes. La majeure partie rédige les actes auprès du chancelier.

Ils sont connus par leur nom d’origine ou celui de leur bénéfice principal (cf. leur signature). Ils sont originaires de la France du nord (normands, picards et berrichons,…), du domaine royal et de villages autour de Paris. La plupart sont clercs, mais cinq ou six sont laïcs et même mariés.

Si l’on considère leurs carrières, on peut mettre en évidence 3 périodes au cours desquelles leur travail s’est peu à peu différencié :1260-1300 (notaires auprès du roi, mais aussi du Parlement et des Comptes) ; 1295-1320 (notaires du roi et commissaires royaux en Italie et en Angleterre) ; 1305-1330/1340 (spécialisés dans l’écriture des actes du roi). Les signatures au bas des actes permettent de savoir qu’ils restent en poste de longues années : Jean Maillard de 1303 à 1322 ou Jean d’Acy, pendant 35 ans.

Ils sont attachés à des institutions parisiennes (hôtel du Roi, Parlement ou Chambre des Comptes) et même s’ils suivent encore le roi dans ses déplacements, ils habitent à Paris pour leur travail, mais ils ont passé leur jeunesse ailleurs et beaucoup prennent leur retraite dans leur région d’origine (Bretagne, Normandie…). Ce sont des consommateurs peu aisés. Les clercs ont des bénéfices et acquièrent des biens ou des rentes au service du roi (Guillaume d’Ercuis s’est constitué une petite seigneurie à Ercuis). Ils n’apparaissent pas dans les livres de la taille. Quatre sont chanoines de Paris et jouissent d’une maison dans le quartier canonial. Ils jouent un rôle important dans la vie intellectuelle de Paris et du Palais : Geoffroy du Plessis a écrit une vie de saint Louis, à la demande du roi, de 1297 à 1298 ; Jean Maillard, le roman du comte d’Anjou ; Gervais de Bus ; Geoffroy Chalop. Le roi recrute ces gens-là par le système du clientélisme, hors du sérail parisien. Il existe donc une perméabilité entre les deux réalités : Paris-ville et Paris-capitale.

Danièle Prévost, “Les gens des Comptes originaires de Paris et de l’Île-de-France de janvier 1320 à juillet 1418″

Danièle Prévost avait préparé une présentation des gens des Comptes de janvier 1320 à juillet 1418, soit un corpus de 320 personnes exerçant des fonctions variées. Devenus Parisiens par leurs fonctions, il est intéressant d’apprécier leur niveau d’intégration dans la société parisienne et d’étudier les investissements fonciers qu’ils réalisent dans la ville et la prévôté de Paris.

Sur les 216 officiers dont l’origine est connue, plus de 20 % sont originaires de Paris et de l’Île-de-France. Ce sont des anoblis (pas de nobles d’ancienne extraction). Les bourgeois appartiennent au monde des affaires : gros négociants et spécialistes du maniement d’argent (dans une famille, une partie des garçons entre à la Chambre des Comptes, l’autre continue le négoce ; à la génération suivante, les fils font des études pour devenir serviteurs du roi). Les maîtres des Comptes issus de la marchandise sont souvent passés par l’échevinage. Parmi les ecclésiastiques, on compte 3 évêques (Pierre d’Orgemont, Gérard de Montaigu, et Jacques Du Chartellier), 53 chanoines dont 35, attachés au chapitre cathédral et 10 à la Sainte Chapelle, 3 curés et des responsables d’institutions charitables (Quinze-Vingts, Hôtel-Dieu). Les clercs laïcs ont-ils épousé des Parisiennes ? L’endogamie semble la règle : pas d’alliances entre annoblis et bourgeois de Paris (aucun membre de la famille Marcel, par exemple, n’est aux Comptes mais leur alliance y est recherchée). La Chambre des Comptes constitue le couronnement d’une carrière.

En ce qui concerne l’implantation géographique, 1364 et l’installation du roi à l’hôtel Saint-Paul est une date charnière. Avant, la condition sociale déterminait le lieu d’habitation : la noblesse, sur la rive gauche (Saint-André-des-Arts, Saint-Victor) ; les non nobles, rive droite (Halles, pourtour de la place de Grève). Après, les nobles se transportent vers les Coutures à l’Est : Bureau de la Rivière, rue du Temple, les Montaigu, Vieille-rue-du-Temple, les Bracque,… Un deuxième lieu de regroupement se trouve aux environs du Louvre. Ce sont aussi les principaux acquéreurs de fiefs dans la prévôté de Paris avec manoirs et hôtels, tours, fossés, viviers, saussaies,… (Martin des Essarts et Marolles-en-Brie).

Grâce à leurs offices, les gens des Comptes ont acquis des revenus qui leur ont permis de se procurer des biens fonciers et des sépultures à Paris et de faire des dons et des legs aux institutions. Ils se sont attachés à la ville à l’élite de laquelle ils appartiennent.


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